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 "Links. Rechts. Gradeaus. Du kommst hier nicht mehr raus."

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Franz Brinkmann

Franz Brinkmann


Messages : 38
Date d'inscription : 19/08/2012

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MessageSujet: "Links. Rechts. Gradeaus. Du kommst hier nicht mehr raus."   "Links. Rechts. Gradeaus. Du kommst hier nicht mehr raus." EmptyDim 19 Aoû - 21:47


   

   
Franz Brinkmann

   
« I already know that I do not like you »

   

   
Biographie

   
Identification


   
◆  Identité originelle Non-concerné
   ◆  Âge né le 18/08/85 - la trentaine désintéressée
   ◆  Nationalité Allemande
   ◆  Appartenance magique Non-concerné
   ◆  Particularités Travaille en tant que bibliophile chez Sotheby's. Fan de déserts glacés.
Caractère

Je suis quelqu'un de perfectionniste. Quand je commence quelque chose, je la poursuis jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement accomplie. En cas d'échec, ce qui arrive rarement par chance, je me replie sur moi-même et m'enfuis généralement à l'abri du regard des autres, là où la nature prédomine. La solitude est en effet une de mes grandes amies. Je n'ai pas besoin des autres pour exister. Leurs regards me reconnaissent en tant qu'individu, certes, mais ils ne m'apportent rien de plus et lorsque je me retire dans un de mes No man's Land, ce n'est pas pour ne pas affronter leurs critiques mais plutôt pour me permettre de reprendre confiance en moi. Je n'ai que faire de l'avis de ces autres qui ont tant besoin d'écraser ceux qui leur sont inférieurs socialement ou intellectuellement parlant pour se sentir bien. En raison de cela, mon égo est d'une taille certaine mais d'une fragilité toute aussi reconnue et il suffit d'une erreur de ma part pour l’ébrécher. Que la situation m'échappe et la nervosité me gagne. Moi qui suis ordinairement d'un calme olympien, je deviens alors fébrile et gare à qui se trouvera sur mon chemin car mon courroux s'abattra injustement sur le premier venu sans que je n'en éprouve la moindre honte, revenu à mon état normal. J'ai en effet la chance de pouvoir oublier tout ce qui me dérange. C'est en partie ce qui me permet de réparer le cristal de mon égo, quand il est malmené. Mais, en plus d'être sélective, ma mémoire contient une mine d'informations constamment renouvelées au sujet des livres sur le marché ou que l'on recherche et c'est ce qui fait que je suis l'un des meilleurs du service littéraire de Sotherby's. Soyons clairs : la littérature est vraiment ce qui me passionne le plus dans la vie. Nulle femme, nul homme, nul lieu ne pourra exercer sur moi autant de fascination qu'un ouvrage précieux, recouvert de signes anciens et renfermant les histoires d'un monde passé.


   
Physique

Peut-être à cause de mes caractéristiques physiques typiquement germaniques, yeux bleus, cheveux clairs et peau prompte à s'enflammer, j'affectionne particulièrement les pays où la chaleur n'existe que grâce à l'Homme et où les couleurs paraissent délavées par le froid. Pour moi, rien ne vaut un paysage enneigé ; surtout si je me trouve de l'autre côté d'une vitre, près d'un agréable feu de cheminée et qu'une tasse de café est à ma portée. Autrement, je suis d'une taille plutôt moyenne pour un homme, aux alentours d'un mètre quatre-vingt, et d'une corpulence variable en fonction des époques de l'année : l'été a tendance à me voir mincir tandis que l'hiver me pousse à grossir. Sûrement un reste d'instinct primal ou quelque chose dans ce goût... Voire une gourmandise exacerbée dès que le froid m'entoure, si je veux être franc avec moi-même. Mais qu'importe : mince ou enrobé, mon corps ne m'intéresse pas vraiment. Je m'oublie à travers les livres pour n'être qu'un esprit libéré de toute contrainte terrestre


   
Histoire

Ersten Etappe : "Lauf, kind, lauf, so schnell du kannst."

▬ Franz, ta valise est prête, chéri?

La personne qui parle est Eva Brinkmann, née Bode ; c'est ma mère. Nous sommes au début des années 90, j'ai un peu moins d'une dizaine d'années et je suis déjà parfaitement rodé aux voyages ainsi qu'aux formalités qu'ils impliquent. Pour cette raison, ma valise est déjà bien prête et j'attends mes parents dans le hall de la suite que nous occupions jusque là. Nous nous trouvons à Vienne. Parce que ma mère désirait y être pour passer la Saint Nicolas et que mon père, Hans, adore lui faire plaisir. Mes parents sont fous l'un de l'autre. Leur amour a néanmoins trouvé une place pour m'accueillir et, entouré de leur influence bénéfique, je m'épanouis de jour en jour dans mon rôle d'enfant unique pourri-gâté et sans limites. Notre prochaine destination est Chicago. Cette fois, c'est mon père qui l'a décidé. N'ayant rien contre cette ville, ma mère n'a pas cherché à l'en dissuader et moi, ça m'est absolument égal. Tant que j'ai ma valise et mes parents avec moi, le reste ne m'intéresse guère. A cette époque, même les livres ne me passionnent pas. La révélation n'a pas encore eu lieu.

♣

Kid, prends ce livre et cours rejoindre tes parents. Ne te retourne pas, quoiqu'il arrive.

Nous sommes autour du dix décembre de la même année et je n'ai pas le temps de refuser que déjà l'inconnu me place un volume entre les mains en me poussant en direction de mes parents, arrêtés quelques mètres plus loin, devant un antiquaire. Peu habitué à obéir mais ressentant le besoin de me trouver dans la proximité rassurante de ceux qui m'ont donné la vie, je m'élance maladroitement vers eux sans lâcher le cadeau que l'on vient de me faire et me colle à mon père qui passe automatiquement sa main dans mes cheveux en me demandant ce qui ne va pas. Ma seule réponse est le livre que je lui tends, les yeux écarquillés au maximum pour ne pas louper sa réaction. Moi-même, à cet instant, je n'ai pas encore regardé la couverture de mon nouvel objet et j'appréhende ce qui peut s'y trouver. La fossette qui apparaît sur le visage de mon père à l'instant où son regard se pose dessus me rassure néanmoins de suite et c'est avec curiosité que je lis les mots inscrits sur la couverture qu'il me présente :
Alice's Adventures in Wonderland


▬ Papa, qu'est-ce que ça veut dire? Je ne comprends pas Adventures.

Abenteuer, mon fils. Ce que tu rechercheras bientôt.

Autant vous le dire de suite : il se trompait. Jamais je n'ai cherché l'aventure. J'en avais déjà assez bien à travers mes ouvrages pour ne pas ressentir le besoin d'en avoir dans la réalité. De plus, j'ai toujours bien aimé pouvoir me poser et lire, ce qui ne colle pas avec une vie d'aventurier. Les voyages, ou leurs trajets du moins, me permettent de céder à mon plaisir et c'est sûrement ce qui a renforcé mon inclination pour eux. En ce qui concerne la raison qui a poussé l'inconnu à m'offrir Alice, ce livre que je chéris entre tous, il y a tant d'années, je suppose que c'est une sorte de bienveillance taquine. Pour intéresser un enfant, il faut l'intriguer et c'est ce qu'il a fait avec moi. Je l'en remercie ; même si je ne l'ai plus jamais recroisé et qu'il me semble que je n'ai jamais vu les traits de son visage. C'est lui qui a fait de moi ce que je suis. En moins de deux minutes, en quinze mots, il a réussi à modeler tout mon avenir.

Zweiten Etappe : "Dein spiegelbild hat sich entstellt."

▬ Brinkmann, vous pensez être trop intelligent pour pouvoir rêvasser au lieu d'écouter mon cours, peut-être?

Oubliée Chicago. Nous sommes en 1999, à Berlin. J'ai quinze ans et un professeur de physique absolument méprisable. Le Mur s'est effondré depuis dix ans, maintenant, mais mon enseignant se croit toujours en Allemagne de l'Est. Plus communiste que lui, il n'y a que Marx. Honnêtement, je n'ai rien contre le communisme, ni contre quoique ce soit en général mais l'être qui vient de m'interpeller me donnerait envie d'être l'individu le plus capitaliste du monde. Pourtant, sans perdre mon calme, je secoue négativement la tête et me place bien droit en direction du tableau sur lequel des noms de physiciens divers sont écrits à la craie blanche. Ne pouvant me vilipender davantage, le professeur reprend son cours en me lançant régulièrement des regards peu amènes et je feins de ne pas le voir pour ne pas lui offrir la possibilité de dire que je l'ai provoqué d'une façon ou d'une autre. Mon cours est parfaitement recopié, aussi propre que celui d'une fille, et je sais que cela le rend malade. Ce que je lui ai fait pour qu'il me haïsse tant? Je n'en ai pas la moindre idée. Je crois que c'est parce que je n'éprouve aucun intérêt pour les matières scientifiques, que je travaille pourtant de façon à avoir la moyenne et que je déploie une finesse intéressante dans toutes les matières littéraires. Étant certainement habitué à la suprématie des sciences sur les lettres, il doit vivre comme un affront personnel mon comportement mais je n'en ai cure. Déjà, à cette époque, l'avis des autres ne m'intéresse pas. Quelques temps plus tard, une feuille me parvient :

    Pourquoi vouloir à tout prix te contrôler? Il faudra que tu laisses tes émotions s'échapper à l'air libre, Franz, si tu veux éviter que ton reflet ne se trouble, abimé par tes exaltations bridées.

Je n'ai jamais su qui m'avait écrit ces mots. Je n'ai jamais cherché non plus. Cela ne m'a pas empêché d'appliquer le conseil qui m'était donné mais jamais en public. Du moins pas encore un public. Je n'étais qu'un adolescent, pas encore suffisamment âgé pour inspirer le respect de ses aînés, donc me laisser aller n'aurait rien donné. Maintenant que je suis un adulte, maintenant que j'ai vingt-sept ans, mes sautes d'humeur ont un poids. Et lorsque je croise mon reflet dans un miroir, je suis toujours soulagé de m'y voir nettement. Ainsi, j'ai la preuve que j'existe en-dehors de mes pensées.

Dritten Etappe : "Der wahnsinn hat dich eingesperrt"

▬ ...

J'ai vingt-cinq ans. Je suis sans-voix. Mon regard vient de se poser sur un ouvrage à la couverture en cuir, aux feuillets de quatre et au titre harponneur. Der Vorteil. L'avantage. Rien d'autre n'est indiqué dessus. Je suis à Alfeld, une petite ville de l’ancienne Allemagne de l’Ouest dans laquelle je me suis arrêté par hasard. Poussé par un je ne sais quoi de puissant. Je me trouve dans une rue et le livre qui m'a tant frappé est posé contre le rebord d'une fenêtre ornée de rideaux en crochets. Une fenêtre appartenant à une habitation. Emporté par le désir de posséder cet ouvrage, cet avantage, je me précipite vers la sonnette mais nulle réponse ne vient me donner satisfaction. Quand je me recule du battant pour jeter un nouveau coup d’œil à mon nouveau désir, il a disparu. Ou, plutôt, il s'est métamorphosé en quelque chose d'autre. Un livre que je ne connais que trop bien : Alice's Abenteuer im Wunderland.

▬ « "Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice. "Il faut croire que vous l'êtes, répondit le Chat ; sinon, vous ne seriez pas venue ici. "»

Ce sont mes lèvres qui ont chuchoté ces mots. C'est mon esprit qui les a récupérés dans ma mémoire. Ce sont mes pieds qui m'ont amené ici. Et mes yeux qui m'ont trompé. Alors je comprends que ma santé mentale commence à vaciller et je m'éloigne précipitamment de cette façade qui m'a tant occupé, avec l'impression que le Cheshire Cat me fixe de ses yeux immenses, son sourire plus grand encore accroché à ses babines.

Letze Etappe : "Der Wahnsinn hat sich in deinen kopf gepflanzt"

▬ Prêt pour l'ouverture des enchères, Franz? s'enquiert Laura, l'une de mes collègues New-Yorkaise en me souriant.

Comme moi, elle est bibliophile et travaille pour Sotherby's. Mon prénom ressemble à "France" dans sa bouche mais je ne corrige pas sa prononciation. Elle est l'une des seules à n'avoir jamais rien dit sur mon accent germanique pourtant fort présent dans chacun de mes mots, je me sens redevable. C'est peut-être la seule personne avec qui j'éprouve ce sentiment, la seule pour qui je pourrais donc avoir une quelconque affection et l'ironie est belle parce que Laura a cinquante-huit ans et un fils de mon âge. Alors je fais comme si de rien n'était et parviens à m'en convaincre sans trop de difficultés.

J'ai vingt-sept ans, un nombre infini de voyages à mon actif, un caractère plutôt solitaire et une vente aux enchères sur le point de débuter. Une dernière fois, j'inspecte du regard les ouvrages mis en vente et mon regard est attiré par la couverture caramel qui m'a déjà aimanté par le passé. Der Vorteil est revenu. Dans ma poitrine, mon myocarde s'accélère brusquement et je ferme les yeux pour le calmer, sachant d'avance ce qui va advenir : le livre va se volatiliser. Quelques secondes plus tard, l'avantage a bel et bien disparu et je ne rêve que de m'en aller avec lui. Pourtant, lorsque mon regard se lève sur Laura qui me sourit je simule mon calme habituel et lui prends le bras pour l'entraîner dans la salle où les futurs enchérisseurs trépignent déjà. Et le naturel de mon attitude me pétrifie intérieurement tandis qu'une nouvelle phrase d'Alice me traverse l'esprit :

▬ "Soyez ce que vous voudriez avoir l'air d'être ".

   

   

   

   
(c) D O P P E L


Dernière édition par Franz Brinkmann le Dim 29 Mar - 11:50, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: "Links. Rechts. Gradeaus. Du kommst hier nicht mehr raus."   "Links. Rechts. Gradeaus. Du kommst hier nicht mehr raus." EmptyDim 29 Mar - 10:26


Franz Brinkmann



Son caractère:


Je suis quelqu'un de perfectionniste. Quand je commence quelque chose, je la poursuis jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement accomplie. En cas d'échec, ce qui arrive rarement par chance, je me replie sur moi-même et m'enfuis généralement à l'abri du regard des autres, là où la nature prédomine. La solitude est en effet une de mes grandes amies. Je n'ai pas besoin des autres pour exister. Leurs regards me reconnaissent en tant qu'individu, certes, mais ils ne m'apportent rien de plus et lorsque je me retire dans un de mes No man's Land, ce n'est pas pour ne pas affronter leurs critiques mais plutôt pour me permettre de reprendre confiance en moi. Je n'ai que faire de l'avis de ces autres qui ont tant besoin d'écraser ceux qui leur sont inférieurs socialement ou intellectuellement parlant pour se sentir bien. En raison de cela, mon égo est d'une taille certaine mais d'une fragilité toute aussi reconnue et il suffit d'une erreur de ma part pour l’ébrécher. Que la situation m'échappe et la nervosité me gagne. Moi qui suis ordinairement d'un calme olympien, je deviens alors fébrile et gare à qui se trouvera sur mon chemin car mon courroux s'abattra injustement sur le premier venu sans que je n'en éprouve la moindre honte, revenu à mon état normal. J'ai en effet la chance de pouvoir oublier tout ce qui me dérange. C'est en partie ce qui me permet de réparer le cristal de mon égo, quand il est malmené. Mais, en plus d'être sélective, ma mémoire contient une mine d'informations constamment renouvelées au sujet des livres sur le marché ou que l'on recherche et c'est ce qui fait que je suis l'un des meilleurs du service littéraire de Sotherby's. Soyons clairs : la littérature est vraiment ce qui me passionne le plus dans la vie. Nulle femme, nul homme, nul lieu ne pourra exercer sur moi autant de fascination qu'un ouvrage précieux, recouvert de signes anciens et renfermant les histoires d'un monde passé.


Son physique:


Peut-être à cause de mes caractéristiques physiques typiquement germaniques, yeux bleus, cheveux clairs et peau prompte à s'enflammer, j'affectionne particulièrement les pays où la chaleur n'existe que grâce à l'Homme et où les couleurs paraissent délavées par le froid. Pour moi, rien ne vaut un paysage enneigé ; surtout si je me trouve de l'autre côté d'une vitre, près d'un agréable feu de cheminée et qu'une tasse de café est à ma portée. Autrement, je suis d'une taille plutôt moyenne pour un homme, aux alentours d'un mètre quatre-vingt, et d'une corpulence variable en fonction des époques de l'année : l'été a tendance à me voir mincir tandis que l'hiver me pousse à grossir. Sûrement un reste d'instinct primal ou quelque chose dans ce goût... Voire une gourmandise exacerbée dès que le froid m'entoure, si je veux être franc avec moi-même. Mais qu'importe : mince ou enrobé, mon corps ne m'intéresse pas vraiment. Je m'oublie à travers les livres pour n'être qu'un esprit libéré de toute contrainte terrestre.


Son histoire:


Ersten Etappe : "Lauf, kind, lauf, so schnell du kannst."

▬ Franz, ta valise est prête, chéri?

La personne qui parle est Eva Brinkmann, née Bode ; c'est ma mère. Nous sommes au début des années 90, j'ai un peu moins d'une dizaine d'années et je suis déjà parfaitement rodé aux voyages ainsi qu'aux formalités qu'ils impliquent. Pour cette raison, ma valise est déjà bien prête et j'attends mes parents dans le hall de la suite que nous occupions jusque là. Nous nous trouvons à Vienne. Parce que ma mère désirait y être pour passer la Saint Nicolas et que mon père, Hans, adore lui faire plaisir. Mes parents sont fous l'un de l'autre. Leur amour a néanmoins trouvé une place pour m'accueillir et, entouré de leur influence bénéfique, je m'épanouis de jour en jour dans mon rôle d'enfant unique pourri-gâté et sans limites. Notre prochaine destination est Chicago. Cette fois, c'est mon père qui l'a décidé. N'ayant rien contre cette ville, ma mère n'a pas cherché à l'en dissuader et moi, ça m'est absolument égal. Tant que j'ai ma valise et mes parents avec moi, le reste ne m'intéresse guère. A cette époque, même les livres ne me passionnent pas. La révélation n'a pas encore eu lieu.

♣

Kid, prends ce livre et cours rejoindre tes parents. Ne te retourne pas, quoiqu'il arrive.

Nous sommes autour du dix décembre de la même année et je n'ai pas le temps de refuser que déjà l'inconnu me place un volume entre les mains en me poussant en direction de mes parents, arrêtés quelques mètres plus loin, devant un antiquaire. Peu habitué à obéir mais ressentant le besoin de me trouver dans la proximité rassurante de ceux qui m'ont donné la vie, je m'élance maladroitement vers eux sans lâcher le cadeau que l'on vient de me faire et me colle à mon père qui passe automatiquement sa main dans mes cheveux en me demandant ce qui ne va pas. Ma seule réponse est le livre que je lui tends, les yeux écarquillés au maximum pour ne pas louper sa réaction. Moi-même, à cet instant, je n'ai pas encore regardé la couverture de mon nouvel objet et j'appréhende ce qui peut s'y trouver. La fossette qui apparaît sur le visage de mon père à l'instant où son regard se pose dessus me rassure néanmoins de suite et c'est avec curiosité que je lis les mots inscrits sur la couverture qu'il me présente :
Alice's Adventures in Wonderland


▬ Papa, qu'est-ce que ça veut dire? Je ne comprends pas Adventures.

Abenteuer, mon fils. Ce que tu rechercheras bientôt.

Autant vous le dire de suite : il se trompait. Jamais je n'ai cherché l'aventure. J'en avais déjà assez bien à travers mes ouvrages pour ne pas ressentir le besoin d'en avoir dans la réalité. De plus, j'ai toujours bien aimé pouvoir me poser et lire, ce qui ne colle pas avec une vie d'aventurier. Les voyages, ou leurs trajets du moins, me permettent de céder à mon plaisir et c'est sûrement ce qui a renforcé mon inclination pour eux. En ce qui concerne la raison qui a poussé l'inconnu à m'offrir Alice, ce livre que je chéris entre tous, il y a tant d'années, je suppose que c'est une sorte de bienveillance taquine. Pour intéresser un enfant, il faut l'intriguer et c'est ce qu'il a fait avec moi. Je l'en remercie ; même si je ne l'ai plus jamais recroisé et qu'il me semble que je n'ai jamais vu les traits de son visage. C'est lui qui a fait de moi ce que je suis. En moins de deux minutes, en quinze mots, il a réussi à modeler tout mon avenir.

Zweiten Etappe : "Dein spiegelbild hat sich entstellt."

▬ Brinkmann, vous pensez être trop intelligent pour pouvoir rêvasser au lieu d'écouter mon cours, peut-être?

Oubliée Chicago. Nous sommes en 1999, à Berlin. J'ai quinze ans et un professeur de physique absolument méprisable. Le Mur s'est effondré depuis dix ans, maintenant, mais mon enseignant se croit toujours en Allemagne de l'Est. Plus communiste que lui, il n'y a que Marx. Honnêtement, je n'ai rien contre le communisme, ni contre quoique ce soit en général mais l'être qui vient de m'interpeller me donnerait envie d'être l'individu le plus capitaliste du monde. Pourtant, sans perdre mon calme, je secoue négativement la tête et me place bien droit en direction du tableau sur lequel des noms de physiciens divers sont écrits à la craie blanche. Ne pouvant me vilipender davantage, le professeur reprend son cours en me lançant régulièrement des regards peu amènes et je feins de ne pas le voir pour ne pas lui offrir la possibilité de dire que je l'ai provoqué d'une façon ou d'une autre. Mon cours est parfaitement recopié, aussi propre que celui d'une fille, et je sais que cela le rend malade. Ce que je lui ai fait pour qu'il me haïsse tant? Je n'en ai pas la moindre idée. Je crois que c'est parce que je n'éprouve aucun intérêt pour les matières scientifiques, que je travaille pourtant de façon à avoir la moyenne et que je déploie une finesse intéressante dans toutes les matières littéraires. Étant certainement habitué à la suprématie des sciences sur les lettres, il doit vivre comme un affront personnel mon comportement mais je n'en ai cure. Déjà, à cette époque, l'avis des autres ne m'intéresse pas. Quelques temps plus tard, une feuille me parvient :

    Pourquoi vouloir à tout prix te contrôler? Il faudra que tu laisses tes émotions s'échapper à l'air libre, Franz, si tu veux éviter que ton reflet ne se trouble, abimé par tes exaltations bridées.

Je n'ai jamais su qui m'avait écrit ces mots. Je n'ai jamais cherché non plus. Cela ne m'a pas empêché d'appliquer le conseil qui m'était donné mais jamais en public. Du moins pas encore un public. Je n'étais qu'un adolescent, pas encore suffisamment âgé pour inspirer le respect de ses aînés, donc me laisser aller n'aurait rien donné. Maintenant que je suis un adulte, maintenant que j'ai vingt-sept ans, mes sautes d'humeur ont un poids. Et lorsque je croise mon reflet dans un miroir, je suis toujours soulagé de m'y voir nettement. Ainsi, j'ai la preuve que j'existe en-dehors de mes pensées.

Dritten Etappe : "Der wahnsinn hat dich eingesperrt"

▬ ...

J'ai vingt-cinq ans. Je suis sans-voix. Mon regard vient de se poser sur un ouvrage à la couverture en cuir, aux feuillets de quatre et au titre harponneur. Der Vorteil. L'avantage. Rien d'autre n'est indiqué dessus. Je suis à Alfeld, une petite ville de l’ancienne Allemagne de l’Ouest dans laquelle je me suis arrêté par hasard. Poussé par un je ne sais quoi de puissant. Je me trouve dans une rue et le livre qui m'a tant frappé est posé contre le rebord d'une fenêtre ornée de rideaux en crochets. Une fenêtre appartenant à une habitation. Emporté par le désir de posséder cet ouvrage, cet avantage, je me précipite vers la sonnette mais nulle réponse ne vient me donner satisfaction. Quand je me recule du battant pour jeter un nouveau coup d’œil à mon nouveau désir, il a disparu. Ou, plutôt, il s'est métamorphosé en quelque chose d'autre. Un livre que je ne connais que trop bien : Alice's Abenteuer im Wunderland.

▬ « "Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice. "Il faut croire que vous l'êtes, répondit le Chat ; sinon, vous ne seriez pas venue ici. "»

Ce sont mes lèvres qui ont chuchoté ces mots. C'est mon esprit qui les a récupérés dans ma mémoire. Ce sont mes pieds qui m'ont amené ici. Et mes yeux qui m'ont trompé. Alors je comprends que ma santé mentale commence à vaciller et je m'éloigne précipitamment de cette façade qui m'a tant occupé, avec l'impression que le Cheshire Cat me fixe de ses yeux immenses, son sourire plus grand encore accroché à ses babines.

Letze Etappe : "Der Wahnsinn hat sich in deinen kopf gepflanzt"

▬ Prêt pour l'ouverture des enchères, Franz? s'enquiert Laura, l'une de mes collègues New-Yorkaise en me souriant.

Comme moi, elle est bibliophile et travaille pour Sotherby's. Mon prénom ressemble à "France" dans sa bouche mais je ne corrige pas sa prononciation. Elle est l'une des seules à n'avoir jamais rien dit sur mon accent germanique pourtant fort présent dans chacun de mes mots, je me sens redevable. C'est peut-être la seule personne avec qui j'éprouve ce sentiment, la seule pour qui je pourrais donc avoir une quelconque affection et l'ironie est belle parce que Laura a cinquante-huit ans et un fils de mon âge. Alors je fais comme si de rien n'était et parviens à m'en convaincre sans trop de difficultés.

J'ai vingt-sept ans, un nombre infini de voyages à mon actif, un caractère plutôt solitaire et une vente aux enchères sur le point de débuter. Une dernière fois, j'inspecte du regard les ouvrages mis en vente et mon regard est attiré par la couverture caramel qui m'a déjà aimanté par le passé. Der Vorteil est revenu. Dans ma poitrine, mon myocarde s'accélère brusquement et je ferme les yeux pour le calmer, sachant d'avance ce qui va advenir : le livre va se volatiliser. Quelques secondes plus tard, l'avantage a bel et bien disparu et je ne rêve que de m'en aller avec lui. Pourtant, lorsque mon regard se lève sur Laura qui me sourit je simule mon calme habituel et lui prends le bras pour l'entraîner dans la salle où les futurs enchérisseurs trépignent déjà. Et le naturel de mon attitude me pétrifie intérieurement tandis qu'une nouvelle phrase d'Alice me traverse l'esprit :

▬ "Soyez ce que vous voudriez avoir l'air d'être ".


En synthèse:

Âge : 27 ans ; 18/08/85

Nationalité : Allemande

Particularités : Travaille en tant que Bibliophile pour Sotherby's et quelques acheteurs privés. Fan de paysages glacés et isolés.
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